Le « monstre » de Louneuil

!Attention, cet article peut choquer les plus jeunes!

C’est une histoire quelque peu sordide que nous allons vous raconter. Une histoire qui plonge au cœur de l’anomalie, de l’inhabituel et du mystère. Imaginez-vous face à un fœtus monstrueux, dont les caractéristiques anatomiques défient toute logique et toute norme établie. Un corps désaxé, des organes absents ou déformés, et un cordon ombilical singulier dans sa structure.

Dans cette étrange découverte médicale, le placenta joue un rôle central. Il s’accroche avec ténacité à la paroi abdominale manquante, maintenant une liaison presque macabre avec les viscères exposés. Les vaisseaux sanguins se tordent et se plient, révélant une configuration inhabituelle qui pique la curiosité des experts.

Le mystère ne s’arrête pas là. Les communications vasculaires entre le fœtus et le placenta sont dissimulées, une énigme que l’on ne peut résoudre qu’en approfondissant notre compréhension des mécanismes physiologiques exceptionnels qui ont permis la survie de cet être difforme.

Plongeons dans cette énigme médicale et explorons les détails anatomiques troublants de cette découverte. Découvrons ensemble les raisons derrière cette étrangeté, en nous demandant comment un cordon ombilical ne contenant que deux vaisseaux perméables au sang peut suffire à la nutrition d’un fœtus qui ne peut être que qualifié de monstrueux.

Préparez-vous à être captivé par cette histoire qui transcende les frontières de la normalité. Préparez-vous à pénétrer dans un monde où l’anatomie déroutante et les mystères médicaux se rencontrent.

Description d'un fœtus monstrueux adressée à M. BONNET par M. MAURY, médecin à Neuville.

« Le 30 août 1848, une sage-femme reçut, au village de Louneuil, un fœtus monstrueux que mon estimable confrère M. Maury, médecin à Neuville, eut
l’obligeance de m’envoyer. Ce monstre m’a paru assez bizarrement conformé pour m’engager à le décrire.

Ce fœtus a l’apparence d’un enfant à terme ; il est né vivant, et le travail qui l’a mis au monde n’a présenté aucune anomalie.

La tête ne présente rien de particulier, à l’exception de la déviation des os propres du nez et du cartilage nasal, qui sont déviés et couchés sur le côté gauche de la face.

La poitrine est bombée en avant ; le sternum, fortement relevé à sa base, provoque une déformation qui l’agrandit.

La paroi abdominale en avant et sur les côtés est totalement absente. Elle est présente uniquement à l’arrière, où les vertèbres lombaires et quelques téguments la complètent.

Tous les organes de cette cavité abdominale sont visibles. Le diaphragme sépare la poitrine de l’abdomen ; le foie, volumineux, est situé à droite et au milieu, la rate est à gauche, mais elle est recouverte et cachée par les intestins, qui flottent, formant une masse ronde de la taille d’une châtaigne. L’ouverture de ce corps m’a permis de bien observer sa texture. Les intestins grêles forment de nombreuses circonvolutions et se connectent aux gros intestins, considérablement dilatés par du méconium qui s’écoule par l’anus.

Du côté gauche, la cavité cotyloïde est présente. Le fémur et le membre inférieur s’y attachent normalement. Cependant, ce membre se termine par un pied-bot bien formé, de type varus.

De la cavité cotyloïde gauche, la branche horizontale du pubis part et s’arrête soudainement au corps du pubis. Le corps du pubis, la branche descendante du pubis et la branche ascendante de l’ischion sont totalement absents.

Cependant, de ce côté, les téguments qui recouvrent le corps du pubis sont présents jusqu’au côté droit du Mont de Vénus, où ils manquent et s’arrêtent brusquement. Ainsi, sur la ligne médiane et en dessous de l’emplacement prévu du corps du pubis, une vulve parfaitement formée est clairement visible.

On distingue l’urètre, le vagin, et derrière celui-ci, l’anus. En appuyant sur un corps dur et légèrement allongé situé derrière les téguments où le corps du pubis est absent, je fais sortir par le vagin un mucus peu abondant et blanchâtre.

Il est évident que ce corps est l’utérus.

La vulve, bien qu’elle soit bien formée et ne laisse aucun doute sur le sexe de l’enfant, qui est féminin, présente une lèvre gauche plus proéminente que la droite, qui est rudimentaire, pour ainsi dire. De plus, la peau cesse brusquement du côté droit, un peu à l’extérieur de la ligne médiane, comme je l’ai mentionné précédemment.

Du côté droit, l’os iliaque est complètement absent. Sur la ligne médiane, à l’arrière, le sacrum est pratiquement dénudé, non recouvert par la peau, qui réapparaît soudainement derrière la hanche gauche. Le coccyx semble être une continuation du sacrum. À partir du milieu du dos et vers le haut des lombes, le membre droit se détache. Il n’est relié au reste du corps que par un pédoncule aplati, semblable à un tissu fibreux, ne contenant pas d’os et recouvert de peau. L’os de la cuisse, inséré perpendiculairement à ce pédoncule, peut être ressenti à travers les tissus, mais il ne semble pas se terminer en haut par une tête ou un col. Tout le membre inférieur est petit, mince et beaucoup moins volumineux que le gauche.

Dans toutes les zones où la paroi abdominale est absente, il reste des lambeaux de membrane qui sont encore attachés, après avoir été déchirés, à celles qui entouraient le fœtus, par un long prolongement qui mène au placenta. Ces membranes peuvent être facilement divisées en deux feuillets.

L’un d’eux, interne, se prolonge sur tous les organes que nous avions trouvés dans la cavité abdominale et pour moi, il s’agit simplement du feuillet péritonéal qui recouvre les organes abdominaux. Ce feuillet tapisse les membranes enveloppant le fœtus, comme il aurait recouvert la face postérieure de la paroi abdominale si elle était présente.

L’autre feuillet, externe, se prolonge sans ligne de démarcation avec le derme de la peau, à gauche et à droite, avec les membranes de l’œuf, en se prolongeant jusqu’au placenta.

Il ne fait aucun doute pour moi que le placenta, qui conserve sa forme et son volume habituels, était appliqué, à l’aide des membranes, tout autour de la paroi abdominale manquante, occupant ainsi sa place. Par conséquent, les organes abdominaux baignaient dans le liquide amniotique et se sont retrouvés à découvert lorsque la poche des eaux s’est rompue.

Après l’accouchement, l’abdomen et le placenta n’étaient plus liés l’un à l’autre que par les lambeaux membraneux enroulés sur eux-mêmes, qui ont été épargnés par la sage-femme.

Le cordon ombilical, très court, mesurant entre vingt et vingt-cinq centimètres, était replié sur lui-même et volumineux. Il était attaché à la face fœtale du placenta par les replis des membranes qui le recouvraient. Son extrémité était séparée du fœtus et il n’était pas possible de trouver sa continuité sur celui-ci. Cependant, en cherchant avec le plus grand soin la continuité de ces vaisseaux avec le fœtus (car la sage-femme affirme ne pas avoir coupé le cordon), je n’ai pu trouver sous le foie, dans le sillon de sa face inférieure, rien qui puisse me faire croire qu’il y était attaché. J’ai cependant découvert, à gauche de cet organe, entre le diaphragme et l’estomac, qui était déplacé, une ouverture arrondie qui était probablement la continuation de la veine ombilicale. Cependant, je n’ai pas pu trouver les artères ombilicales qui devaient ramener le sang du corps du fœtus vers le placenta pour y être régénéré. Malgré cela, le développement du fœtus ne laisse aucun doute sur l’existence de communications vasculaires entre lui et le placenta.

En coupant le cordon ombilical au milieu de sa longueur, on peut constater qu’il est composé de seulement deux vaisseaux perméables : l’un, avec une lumière large, représente la veine ombilicale qui ramène vers le fœtus le sang régénéré dans le placenta ; l’autre, de calibre légèrement plus petit, est l’artère ombilicale, chargée de ramener le sang du fœtus vers le placenta. On peut également observer les traces d’un troisième vaisseau imperméable ou à peine perméable, de calibre bien inférieur à celui du deuxième.

Cette disposition du cordon et de ses vaisseaux ne devrait pas surprendre, car le placenta étant appliqué sur le ventre du fœtus, le cordon ne doit pas être long et flottant comme c’est habituellement le cas. Étant adhérent et fixe contre la face interne du placenta par des replis des membranes, il a dû se rompre au moment de l’accouchement. Cela a empêché la sage-femme, qui n’a pas pu se rendre compte de la disposition inhabituelle du cordon, de porter son attention sur ce point et les questions qui y sont liées. De plus, le fœtus m’a été remis quarante-huit heures après, ce qui a limité mes observations à l’orifice dont j’ai parlé précédemment.

Étant donné l’état de développement et de conservation du fœtus, qui ne laisse aucun doute quant à la présence de communications faciles et larges entre lui et le placenta pour sa nutrition, mon désir de conserver ce monstre tel qu’il est m’a empêché de le disséquer et de l’injecter pour retrouver ses rapports vasculaires avec le placenta.

Par ailleurs, étant donné que l’extrémité inférieure droite est manquante et qu’elle est fixée en arrière et au-dessus de la région lombaire, il est compréhensible que l’artère aorte, qui se divise en deux branches dans le bassin pour fournir la nutrition aux extrémités inférieures, n’ait pu envoyer qu’un mince filet de sang, étant donné que toute la partie droite du bassin manquait. Par conséquent, l’artère hypogastrique droite, une branche de l’iliaque primitive qui descend dans le bassin pour la nutrition des organes qui s’y trouvent, notamment de la hanche et de plusieurs parties qui la recouvrent, ne présentait qu’un mince filet. L’artère ombilicale, qui se termine en s’élevant sur les côtés de la vessie pour se rendre dans le cordon ombilical, ne pouvait être qu’un tube de très petite dimension, bien moins volumineux que celui du côté gauche et proche de l’obstruction, voire déjà obstrué à certains endroits de son trajet. Le défaut de développement qui rendait ce fœtus monstrueux explique physiologiquement pourquoi le cordon ombilical ne contenait que deux vaisseaux largement perméables au sang. »

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